Le premier ministre Justin Trudeau exige que chacun de ses députés québécois sortants amasse au moins 51 000 $ en financement s’il souhaite se représenter pour le Parti libéral du Canada à la prochaine élection, a appris notre Bureau d’enquête.
Les exigences de financement sont disparues au Québec depuis la commission Charbonneau et les fameux «ministres à 100 000 $» du Parti libéral du Québec. Elles rendaient les élus vulnérables à la corruption. Ces exigences sont de retour, mais cette fois en politique fédérale.
Le parti de Justin Trudeau a présenté à ses députés un nouveau système de gestion des candidatures avec des objectifs très précis de financement.
De tels objectifs n’existaient pas au PLC lors de la dernière campagne électorale, en 2015.
Tous les candidats sortants doivent trouver 30 nouveaux donateurs qui s’engageront chacun à fournir au moins 10 $ par mois au «Fonds de la victoire» du PLC.
Ils doivent également obtenir des sommes correspondant à la moitié du plafond des dépenses permises dans chaque circonscription par Élections Canada.
Beaucoup d’argent
Dans le cas des 39 députés libéraux qui se présentent à nouveau en octobre, cela représente un minimum de 51 000 $ à récolter durant les trois premières années du mandat.
Les nouveaux candidats n’ont pas un tel objectif.
Le PLC est le seul des trois partis fédéraux qui aspirent au pouvoir à exiger un seuil de financement à ses députés sortants.
«Pour moi, c’est une pratique rétrograde qui est à proscrire complètement. Associer la possibilité de se représenter en politique à un quota de financement est une idée dangereuse», s’étonne Luc Bégin, professeur d’éthique appliquée à l’Université Laval.
«Le simple fait que le parti accepte cette façon de procéder m’en dit long sur son peu de souci en matière d’intégrité», ajoute-t-il.
Le rapport de la Commission Charbonneau, en 2015, condamne sévèrement la pratique de quotas de financement.
«Des témoins [à la commission] ont souligné la pression que ressentaient certains ministres quant aux objectifs de financement qui leur étaient fixés. Ces pratiques ont rendu des élus vulnérables, de différentes façons, aux influences extérieures en matière de financement politique lié à l’octroi de contrats publics. Il est donc nécessaire de couper complètement ces liens», peut-on lire dans le rapport.
Les 100 000 $ de Charest
Ce passage faisait référence aux 100 000 $ qui étaient demandés chaque année aux ministres du PLQ à l’époque où il était dirigé par Jean Charest.
Au PLC, on balaye du revers de la main les inquiétudes en indiquant notamment qu’Élections Canada a des règles très strictes entourant les dons.
«Les critères de financement ne causent pas de problème. Le système au Canada est un des plus réglementés au monde. […] Il faut transmettre des rapports trimestriels sur qui nous a donné l’argent», explique Azam Ishmael, directeur national du PLC.
«Nous avons aussi mis en place les règles les plus transparentes au Canada vis-à-vis nos événements de financement. Nous avons des listes publiques de qui est présent à nos levées de fond, combien ça coûtait, etc. Aucun autre parti ne fait la même chose», continue M. Ishmael.
Il souligne aussi que le parti préfère se concentrer sur les inscriptions au « Fonds de la Victoire », où chaque membre donne un plus petit montant, mais sur une base mensuelle.
Emmanuella Lambropoulos (Saint-Laurent) $ 51 099
Rachel Bendayan (Outremont) $ 51 290
Emmanuel Dubourg (Bourassa) $ 51 356
Anthony Housefather (Mont-Royal) $ 52 397
Rémi Massé (Avignon–La Mitis–Matane–Matapédia) $ 52 479
Justin Trudeau (Papineau) $ 53 016
Michel Picard (Montarville) $ 52 576
Brenda Shanahan (Châteauguay–Lacolle) $ 52 896
Yves Robillard (Marc-Aurèle-Fortin) $ 52 946
Greg Fergus (Hull–Aylmer) $ 53 276
Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier) $ 53 395
Angelo Iacono (Alfred-Pellan) $ 53 518
Marc Garneau (Notre-Dame-De-Grâce–Westmount) $ 53 630
Jean-Yves Duclos (Québec) $ 53 688
Stéphane Lauzon (Argenteuil–La Petite-Nation) $ 53 783
Diane Lebouthillier (Gaspésie–Les Îles-De-La-Madeleine) $ 54 040
Ramez Ayoub (Thérèse-De Blainville) $ 54 496
Joël Lightbound (Louis-Hébert) $ 54 666
Linda Lapointe (Rivière-Des-Mille-Îles) $ 54 698
Mélanie Joly (Ahuntsic-Cartierville) $ 54 971
Fayçal El-Khoury (Laval–Les Îles) $ 55 157
David Lametti (Lasalle–Émard–Verdun) $ 55 252
Marie-Claude Bibeau (Compton–Stanstead) $ 55 304
Sherry Romanado (Longueuil–Charles–Lemoyne) $ 55 375
Steve Mackinnon (Gatineau) $ 55 477
Alexandra Mendès (Brossard–Saint-Lambert) $ 55 548
Francis Scarpaleggia (Lac-Saint-Louis) $ 56 113
Anju Dhillon (Dorval–Lachine–Lasalle) $ 56 166
Jean-Claude Poissant (La Prairie) $ 56 223
Eva Nassif (Vimy) $ 56 907
Denis Paradis (Brome–Missisquoi) $ 56 977
Marc Miller (Ville-Marie-Le Sud-Ouest-Île-Des-Sœurs) $ 57 539
Pierre Breton (Shefford) $ 57 869
Jean Rioux (Saint-Jean) $ 57 932
Peter Schiefke (Vaudreuil–Soulanges) $ 59 841
Will Amos (Pontiac) $ 64 916
David Graham (Laurentides–Labelle) $ 65 953
François-Philippe Champagne (Saint-Maurice–Champlain) $ 67 210
Richard Hébert (Lac-Saint-Jean) $ 69 320
Comment fait-on le calcul
Le PLC prend le plafond des dépenses autorisées dans chaque circonscription, qui est calculé en fonction du nombre d’électeurs, et le divise par deux. Chaque député sortant qui veut se représenter devra amasser cette somme.
Des objectifs pour les autres comtés
Dans les circonscriptions où le député n’est pas libéral, le PLC exige que chaque association de comté amasse au minimum 15 % du plafond des dépenses électorales avant le déclenchement de la prochaine élection. De plus, le parti demande que l’association trouve 15 nouveaux donateurs mensuels qui adhèrent au Fonds de la victoire.